Photo: Mer du Nord, Belgique. NVT
« Il n'y a de feu plus ardent que la concupiscence, de plus grand malheur que la haine. Graduellement le sage, peu à peu, instant par instant, comme le métallurgiste celle de l'argent, doit épurer sa propre impureté. »
Le Bouddha
« La réalité ultime et parfaite de l'univers ne peut être observée qu'avec les yeux d'une grande compréhension, mais ces yeux peuvent être ouverts uniquement quand les concepts qui composent la conscience manas(1) et l'attachement à des vues erronées sont éradiqués. Alors seulement, l'alaya(2) peut se révéler comme un grand miroir parfait réfléchissant l'univers tout entier. » Thich Nhat Hanh
(1) manas : 7è conscience. C'est une énergie qui s'agrippe à l'idée d'un moi séparé et permanent, en opposition avec le non-moi.
(2) Alaya: 8è conscience ou conscience des tréfonds. C'est la base de ce que nous sommes, l'essence de toutes nos formations mentales. Particularités: Fait des commentaires sur nos perceptions. Influence notre regard sur le monde.
« La souffrance est une expérience de la vie. Elle nous permet de connaître les faits et la réalité concernant notre existence, au plan individuel et collectif ».
« A mesure que nous pénétrons de notre plein gré dans chaque zone de peur, chaque zone de faiblesse et d'insécurité en nous-mêmes, nous découvrons que ses murs sont faits de mensonges, de vieilles images de nous-mêmes, de peurs très anciennes et de fausses idées de ce qui est pur et de ce qui ne l'est pas. »
J. Kornfield
« Ce ne sont pas les choses qui troublent les hommes, mais l'opinion qu'ils en ont. »
Epictète
« Un être humain n'est qu'une partie, limitée dans le temps et l'espace, du Tout que nous appelons l'Univers. Cependant il considère sa personne, ses pensées, ses sentiments comme une entité séparée. C'est là une sorte d'illusion optique, une illusion qui nous enferme dans une sorte de prison, puisque nous n'y voyons que nos propres aspirations et que nous ne donnons notre affection qu'à un petit nombre de personnes qui nous sont les plus proches. Il est de notre devoir de sortir de ces étroites limites et d'ouvrir notre c½ur à tous les êtres vivants et à la nature entière dans sa magnificence. Nul n'est capable d'atteindre pleinement ce but, mais nos efforts pour y parvenir contribuent à nous libérer et à nous apporter la sérénité intérieure. »
Albert Einstein
1. Cultiver l'esprit.
La méditation a été pratiquée durant de milliers d'années pour cultiver l'esprit. C'est l'une des thérapies les plus anciennes. Même s'il y a de nombreuses approches différentes de la méditation, toutes tendent à la libération du conditionnement qui épuisent les énergies, à l'épuration de la perception pour être en mesure de voir clairement ce qui se passe. L'attention juste (la pleine conscience juste) est une tentative de reprendre contact avec le cours de l'expérience vécue. L'attention juste est à la fois une introspection radicale et une connexion directe avec le monde phénoménal. Il ne s'agit pas simplement d'une introspection mais davantage d'être pleinement présent à chaque étape de la vie.. En pratiquant l'attention juste, nous mettons en relief tous les obstacles qui, dans notre esprit, nous empêchent d'établir une relation directe avec l'expérience vécue.
De nos jours le besoin de sérénité et de guérison croît sans cesse et les techniques thérapeutiques et les diverses formes de soin se multiplient.
En méditation, une leçon fondamentale est d'apprendre à faire face à notre propre peur, à notre avidité, à notre sentiment d'infériorité ou de supériorité, à notre colère, notre paranoïa, notre désir de toute puissance, et s'ouvrir à la sagesse, à l'absence de peur. Les professions touchant à la santé mentale commencent à reconnaître l'importance d'inclure la vie spirituelle dans le traitement et la thérapie. Pour que cela soit bénéfique, cette spiritualité doit s'enraciner dans l'expérience personnelle.
L'expression dans la méditation nous libère de nos inhibitions, de nos émotions négatives et de nos conditionnements psychologiques qui étaient retenus en certains points ou régions spécifiques de notre corps ou de notre esprit. Le méditant revit des expériences du passé – du karma – qu'il a accumulé les années précédentes en raison de ses relations morbides et destructrices avec les parents, les proches ou les collègues de travail. Les sentiments réprimés comme la haine, le ressentiment, l'hostilité, la honte, les souffrances, la frustration et la peur emmagasinés dans les rapports avec une personne aimée, un conjoint, un collègue ou un employeur sont susceptibles d'être revécus avec une grande intensité.
Le travail de purification exige que nous nous jetions avec énergie et confiance dans la flamme de la pleine conscience. Nous sommes intensément présents à ce qui surgit dans l'instant sans avoir l'idée de faire quelque chose en particulier ou de devenir quelqu'un en particulier. C'est juste observer ce qui se passe, en nous acceptant tels que nous sommes et en reconnaissant les faits auxquels nous nous trouvons confronté, nos résistances diminuent et la porte de la communication sincère et la compréhension bienveillante peut s'ouvrir.
Nous ne déformerons pas le réel et n'encourageons pas l'apparition des situations conflictuelles. A ce point, le processus de libération de nos énergies bloquées est mis en action par une vague d'énergie créatrice.
2. Comment nos comportements nous échappent :
Selon la psychologie bouddhiste, les récipients corporels d'énergies négatives et de sentiments réprimés, consécutifs aux tensions, aux douleurs et aux souffrances sont divers et nombreux. Nous devons porter notre attention sur eux, sans quoi ils acquièrent une force explosive, ce qui se produit par la contraction musculaire, dans le cas où le sentiment réactif serait devenu la réponse habituelle et automatique aux expériences sensorielles ou à celle de l'univers mental. A chaque point de contact (yeux, oreilles, nez, langue, toucher ou mental) apparaît une sensation ou un sentiment que nous associons aussitôt à certaines idées ou impulsions, ce qui produit une nette réaction, intérieurement ou extérieurement. Toute réaction, corporelle ou mentale, provoque une contraction musculaire. Le récipient, pour ainsi dire, est fourni tout aussitôt, et le sentiment négatif enregistré. Ensuite, les sentiments non exprimés, soutenus par la peur, construisent le schéma de réaction. Et les schémas de comportement réactif deviennent automatiques, habituels, inconscients et incontrôlables. Nous ne choisissons pas de réagir d'une manière ou d'une autre, nous subissons la réaction. Chaque fois que nous réagissons, le schéma s'enfouit davantage, donc gagne en force et en puissance. Pour finir, il nous commande entièrement. Nous ne sommes plus « nous-mêmes », les couches de karma s'étant concentrées dans diverses parties contractées du corps. Certaines couches renferment plus de tensions, sont plus douloureuses que d'autres.
Parfois le souvenir de ce qui nous conditionne à répondre à une situation donnée, comme un enfant effrayé et impuissant alors que nous sommes devenus adultes, est si ancien et si éloigné dans le temps que la parole ne suffit pas à la retrouver. Par contre, la mémoire du corps semble conserver la trace de tels traumatismes à travers notre vie entière. Dans certaines conditions lorsque nous arrivons à réactiver et ranimer cette mémoire du corps, ils peuvent se dissoudre avec une rapidité surprenante...
Dans notre vie quotidienne, nous sommes sans cesse soumis à des tensions et à des pressions de toutes sortes d'ordre psychologique ou émotionnel, et des souffrances et douleurs physiques diverses. C'est cela qui nous pousse à rechercher des moyens et des méthodes par lesquels résoudre nos difficultés et problèmes. La pratique de la méditation bouddhiste nous encourage à nous libérer de notre condition.
Nos maladies, nos conflits et nos souffrances sont le terreau de notre bonheur. Grâce à eux nous pouvons nous éveiller du sommeil et de notre ignorance dans lesquels nous étions plongé. Nous découvrons que sans ces facteurs de perturbation dans nos relations, tant avec nous-même qu'avec les autres, notre humanité ne pourrait s'épanouir et que nous pourrions encore bien moins la transcender.
Lorsque nous jetons un regard réaliste sur la vie et sur les situations devant lesquelles elle nous place, ce que nous considérons être un drame ou une difficulté devient un défi susceptible de réveiller nos ressources intérieures. L'acceptation de l'expérience permet la croissance des graines d'humanité en nous et nous aide à aller vers la plénitude de l'être.
En ce moment, nombre de feux brûlent en nous, dans notre mental et notre corps. Nous nous laissons consumer par les feux du désir, de l'ambition, de la jalousie, de l'illusion, de l'envie, de l'orgueil, de la peur, de la tristesse et nombre d'autres feux. C'est une situation partagée par nombre de nos contemporains et qui engendre des attitudes rigides, des conflits et des comportements excessivement réactifs. Nous agissons consciemment ou inconsciemment, de façon créative ou destructive à l'égard de nous-même, pour le bonheur ou le malheur des autres. En fait, notre comportement se fixe dans notre personnalité sous forme de conditionnement. Et ce conditionnement se renforce au moyen des différentes situations rencontrées au cours de notre vie quand nous sommes en relation avec les autres ou avec nous-même. Le trouble, l'inconfort, la nervosité, le mal-être que nous ressentons, mais que nous n'arrivons pas très bien à situer, nous font rechercher des compensations qui camouflent le vrai problème.
Nous nous détournons des situations réelles et évidentes et nous engageons dans des activités n'ayant plus aucun rapport avec elles. C'est de cette manière que se multiplient les névroses, qu'elles s'entretiennent et se prolongent. Nous prenons de la nourriture de façon excessive, des boissons alcoolisées, du tabac, des drogues ou nous faisons du shopping intensément pour nous soustraire à la souffrance.
Par exemple, il existe des gens qui ne peuvent pas entendre ce qui serait une menace à leurs croyances ou à leur mode de pensée ou aux traditions (songeons aux anti-darwiniens aux USA qui croient toujours que le monde a été crée il y a 5000 ans par Dieu) Ils en souffriraient, donc ils tournent de tels propos au ridicule ou disent qu'ils manquent de logique.. D'autres deviennent sourds au message qui leur fait peur ou les dérange ou qui met à nu leur souffrance première, celle qu'il faut à tout prix ne pas réveiller. Ils recourent au mécanisme de défense de l'égo (= je ne veux pas en entendre parler !).
3. La méthode.
« Nos réactions émotionnelles ont le plus souvent des causes si profondément enfouies en nous et dans notre passé qu'elles nous demeurent mystérieuses. »
Maintenant si nous faisons un retour sur nous-même et regardons ce qui se manifeste dans l'instant, nous serons présents à ce qui est en nous et autour de nous. Nous aurons exactement conscience de ce qui se passe. Autrement dit, nous verrons très clairement nos actions et réactions, nos idées et idéaux quels qu'ils soient. La clarté de l'observation se chargera de transformer les facteurs indésirables, destructifs et morbides. Le travail de purification passe par la vigilance, par la pleine conscience.
Etre vigilant, c'est être intensément présent à ce qui surgit à tout instant, sans avoir l'idée de faire quelque chose en particulier ou de devenir quelqu'un en particulier. C'est observer ce qui se passe dans un état de lucidité ouverte et dégagée. C'est se relier à nos sensations corporelles pour accéder à des informations du passé.
Au c½ur de la vigilance, il y a l'ouverture, la lucidité et aussi la compassion. Qu'est-ce que la compassion ? C'est l'envie, le désir d'aider quelqu'un (nous-même ou l'autre) à sortir de sa peine. C'est de l'amour dans sa forme ouverte, lucide et non agressive. Avec la force du c½ur, nous pouvons faire face à nos émotions sans avoir peur de ce que nous ressentons, sans identification ni lutte. Quand nous acceptons nos émotions comme des forces impermanentes et impersonnelles, nous sommes libres de les honorer sans être effrayés, emportés ou détruites par elles.
Le travail du pratiquant est de comprendre, de découvrir les composantes de son corps comme de son esprit, de prendre conscience de chaque élément, de comprendre les lois qui régissent leur transformation ou leur interdépendance. Notre esprit possède une qualité très importante pour la pratique de la méditation. C'est la base de notre éveil et cette qualité est la « simple reconnaissance ». La simple reconnaissance, la pure attention veut dire que nous regardons les choses comme elles apparaissent, comme elles se manifestent à notre perception. Cela est. Nous ne choisissons pas, ne comparons pas, n'évaluons pas, ne plaquons pas nos concepts et idées sur notre perception. Notre esprit ne fait pas de commentaire ni n'intervient. Un poème haiku illustre bien ceci :
Un étang calme d'automne
Une grenouille saute
Plouf !
L'auteur essaye juste de suggérer quelques détails (lieu, saison, ambiance, puis sa perception du bruit quand la grenouille saute dans l'eau) : simplicité et immédiateté de la perception. Rien de trop dans ce qui est dit. Nous pouvons percevoir la qualité et la profondeur de l'esprit de l'auteur. Quand nous aurons développé cette « simple reconnaissance », la qualité de notre vie va changer. « Ici et maintenant » est devenu un slogan bien à la mode à notre époque. Le problème est comment vivre l'instant présent ? Notre esprit est sollicité par les histoires du passé ou du futur ou parfois il est perdu même quand il est là dans l'instant présent. La « simple reconnaissance » est le moyen qui nous aide à vivre et à nous éveiller à l'ici et le maintenant, et faire l'expérience totale de ce qui se passe.
Voici une histoire pour illustrer comment vivre l'instant présent : L'histoire se passait dans le Japon du moyen âge. Deux moines rentraient au monastère à la fin d'une journée pluvieuse. Le chemin était boueux et à un coin de rue, ils croisaient une belle jeune femme embarrassée. En effet, elle ne savait comment traverser la rue de peur de salir son kimono. Ni une, ni deux, un des moines aida la jeune femme en la soulevant et la portant de l'autre côté de la rue. Les deux moines continuaient leur route jusqu'au monastère. Ce soir là, l'autre moine commençait à critiquer : « Comment peux-tu faire une chose pareille ? Tu sais bien que nous les moines, nous ne pouvons même pas regarder les femmes, alors comment oses-tu prendre cette femme dans tes bras ? » Et le second de répondre : « Cette femme, je l'ai déjà déposée depuis longtemps au bord de la route et toi, tu la transportes encore jusqu'ici ! »
1. Cultiver l'esprit.
La méditation a été pratiquée durant de milliers d'années pour cultiver l'esprit. C'est l'une des thérapies les plus anciennes. Même s'il y a de nombreuses approches différentes de la méditation, toutes tendent à la libération du conditionnement qui épuisent les énergies, à l'épuration de la perception pour être en mesure de voir clairement ce qui se passe. L'attention juste (la pleine conscience juste) est une tentative de reprendre contact avec le cours de l'expérience vécue. L'attention juste est à la fois une introspection radicale et une connexion directe avec le monde phénoménal. Il ne s'agit pas simplement d'une introspection mais davantage d'être pleinement présent à chaque étape de la vie.. En pratiquant l'attention juste, nous mettons en relief tous les obstacles qui, dans notre esprit, nous empêchent d'établir une relation directe avec l'expérience vécue.
De nos jours le besoin de sérénité et de guérison croît sans cesse et les techniques thérapeutiques et les diverses formes de soin se multiplient.
En méditation, une leçon fondamentale est d'apprendre à faire face à notre propre peur, à notre avidité, à notre sentiment d'infériorité ou de supériorité, à notre colère, notre paranoïa, notre désir de toute puissance, et s'ouvrir à la sagesse, à l'absence de peur. Les professions touchant à la santé mentale commencent à reconnaître l'importance d'inclure la vie spirituelle dans le traitement et la thérapie. Pour que cela soit bénéfique, cette spiritualité doit s'enraciner dans l'expérience personnelle.
L'expression dans la méditation nous libère de nos inhibitions, de nos émotions négatives et de nos conditionnements psychologiques qui étaient retenus en certains points ou régions spécifiques de notre corps ou de notre esprit. Le méditant revit des expériences du passé – du karma – qu'il a accumulé les années précédentes en raison de ses relations morbides et destructrices avec les parents, les proches ou les collègues de travail. Les sentiments réprimés comme la haine, le ressentiment, l'hostilité, la honte, les souffrances, la frustration et la peur emmagasinés dans les rapports avec une personne aimée, un conjoint, un collègue ou un employeur sont susceptibles d'être revécus avec une grande intensité.
Le travail de purification exige que nous nous jetions avec énergie et confiance dans la flamme de la pleine conscience. Nous sommes intensément présents à ce qui surgit dans l'instant sans avoir l'idée de faire quelque chose en particulier ou de devenir quelqu'un en particulier. C'est juste observer ce qui se passe, en nous acceptant tels que nous sommes et en reconnaissant les faits auxquels nous nous trouvons confronté, nos résistances diminuent et la porte de la communication sincère et la compréhension bienveillante peut s'ouvrir.
Nous ne déformerons pas le réel et n'encourageons pas l'apparition des situations conflictuelles. A ce point, le processus de libération de nos énergies bloquées est mis en action par une vague d'énergie créatrice.
2. Comment nos comportements nous échappent :
Selon la psychologie bouddhiste, les récipients corporels d'énergies négatives et de sentiments réprimés, consécutifs aux tensions, aux douleurs et aux souffrances sont divers et nombreux. Nous devons porter notre attention sur eux, sans quoi ils acquièrent une force explosive, ce qui se produit par la contraction musculaire, dans le cas où le sentiment réactif serait devenu la réponse habituelle et automatique aux expériences sensorielles ou à celle de l'univers mental. A chaque point de contact (yeux, oreilles, nez, langue, toucher ou mental) apparaît une sensation ou un sentiment que nous associons aussitôt à certaines idées ou impulsions, ce qui produit une nette réaction, intérieurement ou extérieurement. Toute réaction, corporelle ou mentale, provoque une contraction musculaire. Le récipient, pour ainsi dire, est fourni tout aussitôt, et le sentiment négatif enregistré. Ensuite, les sentiments non exprimés, soutenus par la peur, construisent le schéma de réaction. Et les schémas de comportement réactif deviennent automatiques, habituels, inconscients et incontrôlables. Nous ne choisissons pas de réagir d'une manière ou d'une autre, nous subissons la réaction. Chaque fois que nous réagissons, le schéma s'enfouit davantage, donc gagne en force et en puissance. Pour finir, il nous commande entièrement. Nous ne sommes plus « nous-mêmes », les couches de karma s'étant concentrées dans diverses parties contractées du corps. Certaines couches renferment plus de tensions, sont plus douloureuses que d'autres.
Parfois le souvenir de ce qui nous conditionne à répondre à une situation donnée, comme un enfant effrayé et impuissant alors que nous sommes devenus adultes, est si ancien et si éloigné dans le temps que la parole ne suffit pas à la retrouver. Par contre, la mémoire du corps semble conserver la trace de tels traumatismes à travers notre vie entière. Dans certaines conditions lorsque nous arrivons à réactiver et ranimer cette mémoire du corps, ils peuvent se dissoudre avec une rapidité surprenante...
Dans notre vie quotidienne, nous sommes sans cesse soumis à des tensions et à des pressions de toutes sortes d'ordre psychologique ou émotionnel, et des souffrances et douleurs physiques diverses. C'est cela qui nous pousse à rechercher des moyens et des méthodes par lesquels résoudre nos difficultés et problèmes. La pratique de la méditation bouddhiste nous encourage à nous libérer de notre condition.
Nos maladies, nos conflits et nos souffrances sont le terreau de notre bonheur. Grâce à eux nous pouvons nous éveiller du sommeil et de notre ignorance dans lesquels nous étions plongé. Nous découvrons que sans ces facteurs de perturbation dans nos relations, tant avec nous-même qu'avec les autres, notre humanité ne pourrait s'épanouir et que nous pourrions encore bien moins la transcender.
Lorsque nous jetons un regard réaliste sur la vie et sur les situations devant lesquelles elle nous place, ce que nous considérons être un drame ou une difficulté devient un défi susceptible de réveiller nos ressources intérieures. L'acceptation de l'expérience permet la croissance des graines d'humanité en nous et nous aide à aller vers la plénitude de l'être.
En ce moment, nombre de feux brûlent en nous, dans notre mental et notre corps. Nous nous laissons consumer par les feux du désir, de l'ambition, de la jalousie, de l'illusion, de l'envie, de l'orgueil, de la peur, de la tristesse et nombre d'autres feux. C'est une situation partagée par nombre de nos contemporains et qui engendre des attitudes rigides, des conflits et des comportements excessivement réactifs. Nous agissons consciemment ou inconsciemment, de façon créative ou destructive à l'égard de nous-même, pour le bonheur ou le malheur des autres. En fait, notre comportement se fixe dans notre personnalité sous forme de conditionnement. Et ce conditionnement se renforce au moyen des différentes situations rencontrées au cours de notre vie quand nous sommes en relation avec les autres ou avec nous-même. Le trouble, l'inconfort, la nervosité, le mal-être que nous ressentons, mais que nous n'arrivons pas très bien à situer, nous font rechercher des compensations qui camouflent le vrai problème.
Nous nous détournons des situations réelles et évidentes et nous engageons dans des activités n'ayant plus aucun rapport avec elles. C'est de cette manière que se multiplient les névroses, qu'elles s'entretiennent et se prolongent. Nous prenons de la nourriture de façon excessive, des boissons alcoolisées, du tabac, des drogues ou nous faisons du shopping intensément pour nous soustraire à la souffrance.
Par exemple, il existe des gens qui ne peuvent pas entendre ce qui serait une menace à leurs croyances ou à leur mode de pensée ou aux traditions (songeons aux anti-darwiniens aux USA qui croient toujours que le monde a été crée il y a 5000 ans par Dieu) Ils en souffriraient, donc ils tournent de tels propos au ridicule ou disent qu'ils manquent de logique.. D'autres deviennent sourds au message qui leur fait peur ou les dérange ou qui met à nu leur souffrance première, celle qu'il faut à tout prix ne pas réveiller. Ils recourent au mécanisme de défense de l'égo (= je ne veux pas en entendre parler !).
3. La méthode.
« Nos réactions émotionnelles ont le plus souvent des causes si profondément enfouies en nous et dans notre passé qu'elles nous demeurent mystérieuses. »
Maintenant si nous faisons un retour sur nous-même et regardons ce qui se manifeste dans l'instant, nous serons présents à ce qui est en nous et autour de nous. Nous aurons exactement conscience de ce qui se passe. Autrement dit, nous verrons très clairement nos actions et réactions, nos idées et idéaux quels qu'ils soient. La clarté de l'observation se chargera de transformer les facteurs indésirables, destructifs et morbides. Le travail de purification passe par la vigilance, par la pleine conscience.
Etre vigilant, c'est être intensément présent à ce qui surgit à tout instant, sans avoir l'idée de faire quelque chose en particulier ou de devenir quelqu'un en particulier. C'est observer ce qui se passe dans un état de lucidité ouverte et dégagée. C'est se relier à nos sensations corporelles pour accéder à des informations du passé.
Au c½ur de la vigilance, il y a l'ouverture, la lucidité et aussi la compassion. Qu'est-ce que la compassion ? C'est l'envie, le désir d'aider quelqu'un (nous-même ou l'autre) à sortir de sa peine. C'est de l'amour dans sa forme ouverte, lucide et non agressive. Avec la force du c½ur, nous pouvons faire face à nos émotions sans avoir peur de ce que nous ressentons, sans identification ni lutte. Quand nous acceptons nos émotions comme des forces impermanentes et impersonnelles, nous sommes libres de les honorer sans être effrayés, emportés ou détruites par elles.
Le travail du pratiquant est de comprendre, de découvrir les composantes de son corps comme de son esprit, de prendre conscience de chaque élément, de comprendre les lois qui régissent leur transformation ou leur interdépendance. Notre esprit possède une qualité très importante pour la pratique de la méditation. C'est la base de notre éveil et cette qualité est la « simple reconnaissance ». La simple reconnaissance, la pure attention veut dire que nous regardons les choses comme elles apparaissent, comme elles se manifestent à notre perception. Cela est. Nous ne choisissons pas, ne comparons pas, n'évaluons pas, ne plaquons pas nos concepts et idées sur notre perception. Notre esprit ne fait pas de commentaire ni n'intervient. Un poème haiku illustre bien ceci :
Un étang calme d'automne
Une grenouille saute
Plouf !
L'auteur essaye juste de suggérer quelques détails (lieu, saison, ambiance, puis sa perception du bruit quand la grenouille saute dans l'eau) : simplicité et immédiateté de la perception. Rien de trop dans ce qui est dit. Nous pouvons percevoir la qualité et la profondeur de l'esprit de l'auteur. Quand nous aurons développé cette « simple reconnaissance », la qualité de notre vie va changer. « Ici et maintenant » est devenu un slogan bien à la mode à notre époque. Le problème est comment vivre l'instant présent ? Notre esprit est sollicité par les histoires du passé ou du futur ou parfois il est perdu même quand il est là dans l'instant présent. La « simple reconnaissance » est le moyen qui nous aide à vivre et à nous éveiller à l'ici et le maintenant, et faire l'expérience totale de ce qui se passe.
Voici une histoire pour illustrer comment vivre l'instant présent : L'histoire se passait dans le Japon du moyen âge. Deux moines rentraient au monastère à la fin d'une journée pluvieuse. Le chemin était boueux et à un coin de rue, ils croisaient une belle jeune femme embarrassée. En effet, elle ne savait comment traverser la rue de peur de salir son kimono. Ni une, ni deux, un des moines aida la jeune femme en la soulevant et la portant de l'autre côté de la rue. Les deux moines continuaient leur route jusqu'au monastère. Ce soir là, l'autre moine commençait à critiquer : « Comment peux-tu faire une chose pareille ? Tu sais bien que nous les moines, nous ne pouvons même pas regarder les femmes, alors comment oses-tu prendre cette femme dans tes bras ? » Et le second de répondre : « Cette femme, je l'ai déjà déposée depuis longtemps au bord de la route et toi, tu la transportes encore jusqu'ici ! »
3.1. Repousser les dix-sept souillures : cupidité (désir immodéré de richesse), désir (soif, convoitise), méchanceté (penchant à faire du mal), colère (irritation, mouvement agressif à l'égard de ce qui offense, fureur), malveillance (dessin de nuire), hypocrisie (vice qui consiste à affecter une vertu, un sentiment qu'on n'a pas), dénigrement (action d'attaquer la réputation, le talent de quelqu'un), jalousie (chagrin de voir un autre posséder un bien qu'on voudrait pour soi, crainte que la personne aimée ne s'attache à une autre), avarice (attachement excessif à la richesse), tromperie (induire en erreur), ruse (finesse, artifice dont on se sert pour tromper), obstination (entêtement, action de s'attacher avec ténacité à quelque chose), impétuosité (vif, emporté, fougueux), présomption (qui a une opinion trop favorable de soi-même), arrogance (fierté qui se manifeste par des manières hautaines, méprisantes), suffisance (présomption insolente dans les manières, dans le ton), négligence (manque de soin, d'application, d'exactitude).
Le Bouddha a dressé cette liste des impuretés et nous demande de les repousser une à une. Nous voyons que cette liste est toujours d'actualité. Nous pouvons remarquer que ces
« souillures » sont en fait des problèmes de comportements quand nous sommes en relation avec les autres.
Le travail de purification exige de nous que nous fassions confiance à la vigilance. Nous sommes intensément présents à ce qui surgit dans l'instant sans avoir l'idée de faire quelque chose en particulier ou de devenir quelqu'un en particulier. C'est en observant ce qui se passe, en nous acceptant tels que nous sommes et en reconnaissant les faits auxquels nous nous trouvons confronté, que nos résistances diminuent et que la porte de la communication sincère et la compréhension bienveillante peut s'ouvrir.
3.2. Les v½ux : Méthode d'auto-encouragement qui permet au pratiquant de se servir, comme d'un aiguillon, de la gravité des v½ux qu'il prend, pour faire le travail de conscientisation et de transformation de son comportement ( Les 2 v½ux pour les enfants, les 5 entraînements à la pleine conscience, les 14 entraînements de l'ordre de l'interêtre, les v½ux de boddhisattva).
3.3 Le contrôle : « Quiconque retient la colère montante, comme on arrête un char lancé, mérite le nom de conducteur. Les autres ne font que tenir les rênes. » Méthode qui consiste à observer l'énergie de colère en soi comme si elle appartenait à quelqu'un d'autre. Nous sommes un simple observateur qui porte un regard neutre sur la situation.
3.4. La pratique des contraires : « Oppose à la colère la sérénité, au mal le bien. » « En vérité la haine ne se détruit pas par la haine. La haine se détruit par l'amour, c'est la loi éternelle. »
Repousse la colère, rejette l'orgueil, brise toutes les entraves. Celui qui se dégage des éléments constitutifs de la vie, qui ne s'attache absolument à rien, reste éloigné de la souffrance » (Dhammapada) »
3.5. Observer constamment la loi du changement selon une introspection répertoriée en quatre rubriques. Que ce soit sensations ou émotions, idées, pensées ou conceptions, la méthode consiste d'abord à être conscient de leur nature passagère et d'être attentif à chaque mouvement de l'esprit : voir, connaître et savoir comment sans fin se succèdent nos états de conscience afin de parvenir à une ferme conviction de leur impermanence.
a) Observation du corps « Un moine marchant, étant debout, s'asseyant, s'endormant, s'éveillant, parlant, se taisant, il en est parfaitement conscient » « Mangeant, buvant, mastiquant, goûtant, déféquant, urinant, il en est parfaitement conscient. »
b) Observation des sensations : « Le moine demeure observant l'apparition et la disparition des sensations »
c) Observation des mouvements de l'esprit. Un moine ayant un esprit passionné sait : « ceci est un esprit passionné » ; ayant un esprit libre de passion, il sait : « ceci est un esprit libre de passion. »
d) Observation des cinq empêchements principaux (émotions) : « Et comment, ô moines, un moine demeure-t-il observant les 5 empêchements ? ...Quand la méchanceté est en lui, il sait : « En moi est la méchanceté... Il sait comment la méchanceté non apparue apparaît. Il sait comment la méchanceté apparue est déracinée. Il sait comment la méchanceté déracinée ne surgira plus.» Il en est de même pour l'inertie, la torpeur, l'agitation et le remord.
Le Bouddha exhorte inlassablement ses disciples à prendre conscience de chacune des souillures. Et leur pousse à ce que l'entraînement de l'attention de chaque instant devienne leur nature première.
Avec la force du c½ur, nous pouvons faire face à nos émotions sans avoir peur de ce que nous ressentons, sans identification ni lutte. Quand nous acceptons nos émotions comme des forces impermanentes et impersonnelles, nous sommes libres de les honorer sans être effrayés, emportés ou détruites par elles.
3.6 La contemplation (dhyâna) Nous purifions les 5 obstacles et recouvrons notre santé mentale. Avec la contemplation viendra une forme de connaissance fondamentale qui nous guérit de l'ignorance. « A l'ignorance se rattachent les plus nocives des méprises : prendre pour permanent ce qui est impermanent, pour bonheur ce qui est douloureux et pour soi ce qui est dépourvu de soi . » (Suttanipâta)
(A lire le chapitre 4 de « La Vision profonde ». Thich Nhat Hanh)
3.7 L'épuration des samskhâra (constructions mentales, formations mentales) : Juste avant sa mort, voici les paroles du Bouddha « O moines, faites attention, je vous en conjure : les samskhâra sont des choses périssables. Veillez à vous accomplir. » (Dîghanikâya)
Quelles choses périssables et qui méritent tant d'attention ? Ces tendances latentes, issues d'impressions passées, oubliées et inconscientes, mais qui, ayant conservé leur énergie, demeurent actives, tourmentées, troublant la conscience et suscitant les constructions mentales. Non définitives par nature, conditionnées par l'ignorance, ces énergies latentes conditionnent à leur tour la conscience.
Le Bouddha a énuméré dans un enseignement, à partir de l'ignorance, et maillon par maillon, la succession des enchaînements et leurs connexions : « conditionnée par les samskhâra est la conscience, conditionnés par la conscience sont les perceptions des phénomènes... » Ainsi de suite pour les six domaines sensoriels, puis pour le contact, la sensation, le désir, l'attachement, le devenir, chacun des maillons conditionnant le suivant jusqu'à la naissance, la vieillesse et la mort, « avec le chagrin, les lamentations, la douleur, la peine, le désespoir. Telle est l'origine de toute cette masse de souffrance. » (Vinayapitâka)
Prenons un exemple concret pour illustrer cela : Rappelez-vous d'un autre modèle du moi utilisé dans la psychologie bouddhiste appelé les 5 skandas .
Un individu se focalise sur un objet (rupa=forme), disons une tablette de chocolat. Immédiatement, une sensation visuelle (vedana=sensation) se produit, une attirance par exemple. L'esprit cherche maintenant à comprendre ce qui se passe en classifiant l'expérience (samjana=perception) – « Du chocolat ! » Cela engendre rapidement toute une gamme de constructions mentales (samskâra), telle la joie, l'enthousiasme, le désir, la culpabilité, les reproches qu'on se fait à soi-même, les idées de gourmandise, de prise de poids, de perte de poids, de régime non respecté, de récompense, etc. Dès lors que l'esprit est rempli de toutes ces constructions mentales, il s'obscurcit. La conscience primordiale (jnana) est obscurcie. Cette condition d'obscurcissement est appelée vijnana (la conscience duelle).
Voici alors, situé entre l'ignorance et la conscience, ce deuxième maillon, celui des tendances latentes qui, nourries justement de cette ignorance et de ce désir, s'amalgament et forment des centres dynamiques provocants troubles, émotions et perturbations. Implacable processus responsable de nos tensions et agitations, ces tendances latentes, associées à l'ignorance et à la convoitise, conditionnent pensées et émotions et déforment nos perceptions de nous-mêmes, celles des autres et de l'univers.
« Est d'une très pure sapience le sage qui, exempt de désir, a mis fin aux samskhâra, lui qui a surmonté le temps dans le passé et dans l 'avenir. » (Suttanipâta)
3.8. Purification des vâsanâ. (imprégnations)
Nous abordons ici la conscience de tréfonds (alaya) selon l'optique de l'école Vijnâvada : Cette conscience est la plus subtile, la plus profonde et elle englobe toutes les expériences. Elle a un double rôle.
a) Rôle passif ou réceptif et considérée comme « effet » : Entrepôt de toutes les graines karmiques, un réservoir d'imprégnations subconscientes, une conscience dynamique par les Vijnâvâdin. Cette conscience de tréfonds a pour rôle d'accueillir et conserver aussi bien les graines « naturelles, primitives, existantes depuis toujours » que les impressions et les germes déposés par « le langage et les actes fondés sur la croyance erronée au moi. C'est de leur parfum que cette conscience s'imprègne, d'où le nom d'imprégnations (vâsanâ) donné à ces dépôts. »
b) Rôle actif ou causal : Elle prend son aspect actif de « cause » au moment où, poussés par l'énergie dont ils sont investis, les germes purs et impurs arrivent à maturité et produisent leurs fruits, les dharmas (expériences) D'abord imprégnations, ces germes devenus actifs provoquent d'autres expériences qui, à leur tour, déposeront leurs imprégnations. Tel est leur circuit sans fin.
Mais ne nous trompons pas, cette huitième conscience n'est pas séparée de la conscience vijnâna qui tout en restant pure, inaffectée, inaltérée l'englobe cependant ainsi que les sept autres consciences : les cinq consciences sensorielles, la conscience mentale (manovijnâna) qui perçoit les objets, discerne, juge, et la conscience manas qui en liaison avec la conscience mentale et l'alaya, se prend pour le moi. C'est ainsi qu'entraînés par leurs constants désirs et leurs passions, aveuglés par leur soif d'appropriation, menées par les consciences précitées, les être humains se détournent de cette pure conscience et ne peuvent plus le percevoir (voir schéma un modèle de l'esprit ci-joint)
Conclusion :
Nous pourrions examiner sous un autre angle ces techniques de purification et de libération en déchiffrant leurs caractéristiques essentielles : ne rien s'approprier, ni s'agripper à quoi que ce soit, ne dépendre ni d'objets, ni de personnes, se libérer du système d'attraction-répulsion, source de tension et d'angoisse, dissoudre toute agitation, en se souvenant que l'ignorance règne à l'origine de tous nos maux.
Ainsi nous rompons la chaîne de karma. Nous laissons la quiétude et la spontanéité surgir et nous abandonnons nos tensions et conditionnements. Nous sommes alors délivrés de nos désirs et de nos confusions, libre des tendances latentes.
Soyons notre propre refuge, notre propre île intérieure.
Bibliographie :
- La vision profonde. Thich Nhat Hanh. Ed : Albin Michel Spiritualités vivantes. 1995
- L'attention, source de plénitude. Dhiravamsa. Ed : Dangles. 1983
- Bouddhisme et psychothérapie. David Brazier. Ed : JC Lattès. 2000
- Après l'extase, la lessive. Jack Kornfield. Ed : La Table ronde. 2001
- The experience of Insight. Joseph Goldstein. Ed : Shambala Publications, Inc.1976 Traduit en vietnamien par Nguyên Duy Nhiên 1992
- Les quatre nivaux de conscience. Thich Nhat Hanh. Traduit du vietnamien et de l'anglais par Nguyen Van Thong. 2007
- Vivre éveillé. Sujata
Quelques mots de vocabulaire :
Skandas : agglomération de conscience
Karma : énergie qui nous pousse à faire
Vijnana : conscience duelle
Alaya : huitième conscience, conscience réservoir, nos mémoires
Quelques principes de la pratique Vipassana.
« La méditation Vipassana nous entraîne à être éveillé à tout ce que notre esprit touche. Notre esprit est comme un miroir parfait, il reflète la chose qui est devant lui. »
« Soyons prudent quand nous déposons quelque chose devant le miroir de notre esprit, parce que nous devenons cette chose. »
1. Les trois facteurs de développement de Vipassana.
Les pratiques de méditation ont d'abord pour objectif de développer une vision claire et profonde. Pour cela il vous sera demandé de pratiquer la vigilance sans relâche et de comprendre ce qui se passe d'instant en instant.
Mais il faudrait d'abord parler des trois facteurs essentiels au développement de cette vision claire et profonde.
1.1. La persévérance : persévérer veut dire appliquer les principes de la méditation à tout ce qui se lève dans la conscience. Lors des sessions d'assise en silence nous avons parfois la sensation de brûler physiquement et psychologiquement. Nous avons parfois la sensation que nous sommes mal assis, que nous avons mal à notre dos ou à nos articulations ou encore nous avons des sensations de brûlure à l'estomac. Ces phénomènes sont très courant dans la pratique Vipassana. Les démangeaisons sont une autre sensation tout aussi courante. Ou bien nous avons la sensation qu'il y a des fourmis qui nous courent le long de notre dos ou sur notre crâne. Ces sensations indiquent que les tensions se relâchent dans le corps, dans le c½ur ou dans le mental.
Cette pratique doit être constante et dépourvue de but. Nous restons tranquillement assis et nous sommes vigilants et nous observons ce qui se passe. Nous laissons les choses arriver selon leur gré et nous maintenons notre pratique de façon continuelle et ininterrompue du matin jusqu'au soir. La persévérance est indispensable si nous voulons que la méditation porte ses fruits. Si nous pratiquons sans relâche elle devient un élément naturel de notre vie. Nous vivrons constamment dans un esprit de méditation.
1.2. Le second facteur est la pleine conscience ou vigilance en soi : « Soyez vigilant sans relâche et voyez le monde comme étant vacuité » était le conseil du Bouddha. Cela signifie que nous devons être constamment en éveil et attentif à tout. Tout ce qui se rapporte à la vie : les être humains, les choses, l'environnement, les sensations, les émotions, les pensées, la conscience. L'attention (la pleine conscience) est le facteur principal de développement de la vision claire et profonde et de la libération. Cette libération atteinte au moyen de la vision claire et profonde est appelée liberté acquise par la sagesse intuitive. Il y a deux manières d'atteindre la libération : la première est de pratiquer la quiétude après avoir atteint le contrôle mental. La deuxième est de pratiquer la pleine conscience, l'observation du mental.
1.3. Le troisième facteur est la claire connaissance, la pleine connaissance, la compréhension. La clarté vient avec la vigilance. Il n'y a pas besoin de clarifier notre mental. Contentons-nous d'être vigilant et être présent à tout ce qui se passe. Lorsqu'il n'y a pas de clarté, le doute surgit. Dans ce cas nous devons travailler autour du doute et lui donner notre pleine attention. L'attention devient une énergie puissante en se concentrant et elle a le pouvoir de dissiper le doute.
La vigilance structure notre vie, elle crée en nous une discipline de l'attention et elle engend la connaissance. Le doute et les incertitudes se dissiperont. C'est quoi le doute ? C'est quand nous n'avons pas la compréhension et la vision immédiate et pleine de la réalité. C'est le contraire de la certitude. Avec la claire connaissance, nous n'avons plus besoin de chercher une confirmation venant de l'extérieur puisque notre mental est clair et le doute ne nous atteint plus. Nous sommes l'unique et l'ultime autorité. Le besoin de confirmation n'est plus nécessaire.
2. Les pratiques de pleine conscience.
2.1. La pleine conscience du corps est un des premières pratiques de pleine conscience proposées par le Bouddha. Nous portons notre attention à ses activités et à ses fonctions. Nous observons et essayons de comprendre la nature de l'émergence des choses et leurs disparitions. Nous pouvons reconnaître ce shéma dans tout ce qui se passe autour de nous. Nous comprenons le processus de la naissance, de la croissance, de la maturité et du déclin. L'émergence des choses et leur disparition vont nous emmener à réfléchir sur une autre notion importante dans le Bouddhisme : l'impermanence.
2.1.1. Tant que nous sommes vivant la respiration est disponible, c'est une des raisons pourquoi elle a été choisie comme support pour la pratique de la méditation. Le premier exercice porte donc la pleine conscience de la respiration. Il est fondamental d'observer le mouvement d'entrée et de sortie de l'air. Pourquoi respirons-nous ? Pourquoi ce processus se poursuit jusqu'à l'instant de la mort ? Nous découvrons que nous sommes attaché à la vie, et que l'attachement fait partie intégrante de la vie. L'attachement à la continuité, à l'existence et à sa perpétuation. Sans attachement, la vie ne pourrait pas se maintenir. Il y a une énergie qui se déploie en dessous des apparences et qui maintient la vitalité de la vie. Sous-jacente à la vie, il y a la respiration et sa continuité. Pour que la respiration soit possible, de nombreuses choses doivent aussi exister : les sensations, les mouvements du corps, le travail des muscles de la cage thoracique, l'espace.
2.1.2. Le deuxième exercice de pleine conscience corporelle porte sur les postures. En marche, en position assise, debout, et couchée sont les quatre positions principales du corps. Notre pratique consiste à être conscient, instant après instant, dans quelle position se trouve le corps. Nous acquérons ainsi la pleine conscience de toutes nos attitudes corporelles. Nous voyons si le corps est en équilibre ou pas, nous voyons son inscription dans le milieu environnant, nous sommes conscients de son contact avec le sol.
En étant relié profondément à notre corps, nous découvrons que notre corps est toujours en contact avec quelque chose. Et que les sensations dans le corps proviennent de ces contacts. Contacts avec le soleil, le vent, l'espace, l'air, la chaleur, le froid ... Nous acquérons une compréhension des besoins du corps du fait que nous sommes présents à chacun de ses aspects. Nous savons quelle position est confortable pour notre corps et quelle autre engend de la douleur. Apprenons à l'écouter ce corps et observons tout cela.
2.1.3. Le troisième exercice porte sur les activités du corps (gestes, mouvements, mimiques, sourires, grimaces, éternuements, etc...) Quand nous prenons une douche, essayons de comprendre pourquoi nous aimons l'écoulement du jet d'eau sur notre corps. Soyons attentif à ce qui se passe dans le mental par rapport au corps. En ayant une activité ou une autre, observons le déroulement, la raison qui nous pousse à entamer cette activité. Observons le désir en jeu et même au-delà du désir.
Soyons présent à chacune de nos activités, quand nous mangeons, buvons, conduisons notre voiture, nous lavons, nous couchons. A l'heure du repas, observons-nous regardant la nourriture, la portant à notre bouche, la mâchant, goûtant sa texture, savourant son bon goût puis l'avalant dans notre estomac. C'est ce qui nous permet d'acquérir une connaissance claire de tout ce que nous faisons.
En nous entraînant de la sorte nous devenons de plus en plus conscient de ce que nous faisons. Et comme les activités corporelles sont très nombreuses, nous avons l'opportunité de nous exercer constamment durant la journée.
2.1.4. Le quatrième exercice porte sur la mort et la décomposition du corps. Cet exercice nous familiarise avec la mort et comme la mort fait partie de la vie, cet exercice va nous permettre de mieux comprendre un des moments clés de notre histoire et mieux l'affronter à l'instant où elle viendra à nous ou à un de nos proches. Nous remarquerons que le processus de mort est sans cesse présent dans le corps, des cellules meurent sans cesse et sont remplacées, nos cheveux tombent et d'autres repoussent. La mort permet à la vie de se manifester.
2.1.5. Le cinquième et dernier exercice porte sur l'observation des différentes parties du corps. Nous devons les passer en revue, de la tête à la pointe des pieds (scannage du corps). Commençons par les cheveux, les yeux, les oreilles, la bouche, le menton. Puis le cou, les épaules, la poitrine, les bras, etc. Essayons de sentir chaque partie de notre corps. Gardons notre attention plus longtemps sur les points de tension. Cette méditation nous apprendra beaucoup de choses sur notre corps. En Asie du Sud-Est, on a l'habitude de penser que le corps est composé de quatre éléments de base : terre, eau, air, feu. En observant la présence de ces quatre éléments à l'intérieur comme à l'extérieur de notre corps, nous aurons une idée plus précise de la relation d'interdépendance entre notre corps et l'univers. Nous comprenons cet enseignement du Bouddha : l'être humain est fait de tous les éléments non-humains, c'est pourquoi pour le protéger, nous devons protéger la nature. C'est l'écologie profonde.
2.2. La pleine conscience des sentiments et sensations.
Deux termes pali sont liés à la pratique Vipassana. Le premier est sati la pure attention, la pleine conscience. Le deuxième terme est anupassana fait référence à la capacité d'observer, de regarder, de porter une pleine conscience sans faille sur ce qui se passe.
Entraînons-nous à développer ces deux facteurs pour eux-mêmes, sans but, ici et maintenant. Ce qui nous aide à avoir une vision claire et profonde. Dans la pratique Vipassana, connaître est essentiel. Lorsque nous entrons en contact avec un sentiment ou une sensation, nous devons apprendre à le connaître. La pratique de l'observation affine nos sens de la perception et nos perceptions se rapprocheront de nos sentiments. Habituellement l'être humain préfère se lancer dans l'activité mentale, le raisonnement, le jugement hâtif et s'éloigne de ses sensations et sentiments. Quand nous étions encore enfant, nos parents nous ont éduqué à ne pas exprimer nos sentiments (Nicolas ! Dis bonjour à la Madame.- Non, je n'aime pas dire bonjour !- Sois poli, dis bonjour à la Madame ! ), ce qui nous empêche d'être authentique, une fois devenu adulte. Des conflits surgiront en nous justement à cause de cette répression.
Nos difficultés d'expression proviennent souvent de notre éducation. Il est important de se reconnecter à nos sentiments et sensations ainsi qu'à nos expériences, même s'ils sont désagréables. La pratique est de les expérimenter le plus pleinement possible. Pas de remises à plus tard, pas de répressions, pas d'esquives. Tout devient net et réel.
La méditation nous apprend à être réel. Découvrons-nous comment nous perdons contact avec la réalité. Si nous nous conformons à l'idée de la réalité, cela n'arrangera rien et ne peut que nous déformer davantage. Nos sentiments ont beaucoup à nous apprendre. Ils sont le résultat d'une réaction des sens aux événements de la vie. Cette réaction se produit continuellement..
Il existe une autre qualité de sentiment appelé sentiment intuitif ou intuition, bien plus profonde et étrangère au processus réactif. Ce sentiment est fiable, il surgit des profondeurs de notre être. Si nous sommes centrés sur nous-même, notre sentiment intuitif devance le processus réactif et nous donne un renseignement fiable, une vision globale sur la personne ou l'événement en face de nous. Notre croissance et notre épanouissement dépendent de beaucoup de notre capacité à être attentif à nos sentiments au plan réactif comme au plan intuitif.
En pratiquant Vipassana, si nous ressentons de l'inconfort dans notre posture assise, nous restons en contact avec lui sans changer de position corporelle. Nous essayons de voir ce qui ne va pas et comment l'inconfort est né. Nous prenons conscience de notre corps, de sa posture, du sentiment d'inconfort. L'ayant vu tel qu'il est, nous saurons quoi faire : nous verrons les causes profondes de notre situation et pourrons agir en conséquence. Nous laissons notre action se faire suivant notre vision immédiate de la situation. Ainsi les réactions se feront de plus en plus rares ; nous agirons davantage en fonction de ce que nous voyons (de notre compréhension).
L'affliction est une activité mentale : quand elle apparaît, nous devons en fouiller toute la structure, ce qu'habituellement nous évitons de faire. En fait, nous devons nous laisser aller à l'expérience de l'affliction, voir de quoi elle est faite, si elle est en rapport avec autre chose dans notre vie. En vivant nos sentiments, nous les purifions. Nous devons les laisser arriver pleinement à notre conscience et les laisser s'exprimer – ainsi il n'y a ni répression, ni domination. Nous n'essayons pas de provoquer l'expression – nous la laissons se faire d'elle-même. Nous nous fions à notre sagesse et à celle de notre corps et de nos sentiments. Ils savent d'eux-mêmes que faire et comment s'exprimer. Maintenons-nous dans la vigilance et n'essayons pas de fuir nos sentiments. Ainsi, peu à peu, nous transcendons tous les types de sentiments, nous sommes en mesure de les accepter, les prenant à leur juste valeur, ce qui leur enlève toute force pour nous faire souffrir ou nous submerger.
Nous sommes libres dans nos relations avec nos sentiments. Mais pour en arriver là, nous devons les affronter et les expérimenter. La liberté relationnelle émane de la compréhension et de l'acceptation.. Si nous savons accepter les choses et les gens tels qu'ils sont, nous évitons la souffrance. S'il y a souffrance, c'est parce que nous sommes attachés à des idées et à des normes et que nous voulons tout faire entrer dans nos schémas préconçus. Lorsque les événements ne se dérouleront pas comme nous voulons, lorsque les choses ne vont pas comme nous souhaitons, nous souffrons. En fait, c'est nous-même qui créons nos souffrances. En observant comment surgissent nos problèmes, nos difficultés et nos souffrances, c'est toujours vers nous-même que nous devons nous tourner. Ils doivent devenir les objets de notre attention.
A mesure que nous devenons plus conscients de la manière dont nous accomplissons les choses, dont nous nous comportons, notre pouvoir d'affronter les situations augmente. Nous avons plus d'énergie, plus de choix, plus de clarté : une compréhension plus nette, une attention plus profonde. Tout progresse dans le sens des profondeurs de notre être.
Il n'est pas besoin de chercher sur quel objet méditer dans la pratique Vipassana. C'est toujours eux qui doivent venir à nous. Contentons-nous d'être assis à ne rien faire, de rester attentif et en observation. Mais ne soyons pas en état d'attente, à attendre que se présente une expérience. Les choses viennent à nous lorsque nous sommes ouvert à tout dans distinction. Maintenons-nous dans l'état d'ouverture, de vigilance et d'attention. C'est très simple. Il est inutile de vouloir retenir quoi que ce soit, quelques objets que ce soit. Lorsque la distraction met un terme à notre vigilance, qu'elle n'est plus, retrouvons-la. Elle est de nouveau là. Apprenons à saisir le présent immédiat. Cette capacité est action créatrice.
2.3. La pleine conscience au mental et à ses états.
Le troisième principe de la méditation Vipassana a pour nom cittanupassana (vigilance par rapport à l'esprit et aux états mentaux y compris les émotions) Dans le Bouddhadharma le mot citta recouvre un vaste champ de signification. Il signifie, entre autres, conscience. Parfois il est traduit par mental et conscience. Son sens littéral est pensée, imaginaire, accumulation et création de choses merveilleuses. Citta s'exprime dans toutes les merveilleuses créations de l'esprit. L'on peut avoir l'esprit scientifique, juridique, religieux, artistique ou sportif.
Vipassana a donc pour objectif de comprendre le fonctionnement du mental, de l'esprit. Voir le mental, ses états et ses conditions. Nous devons toutes les comprendre. La question n'est pas de contrôler le mental mais de l'observer. L'observation du mental est un aspect essentiel de la méditation Vipassana.
Si nous donnons au mot citta le sens de mental et de conscience, nous pourrons penser « activité ». Activité, au sens où il imagine, pense, se rappelle et accumule, spécule, forme des idées (voir le texte « Les 4 couches de consciences » du vénérable Thich Nhat Hanh, traduit du vietnamien et de l'anglais par Nguyen Van Thong) C'est pour cela que nous ne pouvons pas faire confiance au « soi » qui n'est qu'un état de conscience subjective. Les états de conscience (formations mentales) sont multiples et ils apparaissent les uns après les autres. L'émergence sans fin d'états de conscience est ce qui nous donne le sentiment que le soi est permanent. Nous nous identifions à ce sentiment, créant ainsi une identité immuable à laquelle nous pouvons nous agripper.
La conscience est ce qui nous permet de connaître, de percevoir les objets, les événements, les situations. Dès qu'un de nos sens entre en contact avec un objet, il y a conscience. Reconnaissons la présence des trois éléments : organe de sens, objet et conscience. La conscience est toujours là quand il y a contact entre les sens et les objets. Si nous observons la manière dont nous percevons, entendons, sentons, touchons, goûtons ou comment nous pensons, nous comprenons la fonction du mental, la présence de la conscience. Le mental ne peut fonctionner indépendamment du corps ; les processus mentaux ne peuvent se dérouler indépendamment des processus physiques. Le mental doit fonctionner de pair avec le corps. Les facultés des sens appartiennent au corps alors que la conscience appartient au mental.
Lorsque nous observons des arbres, des bâtiments, des personnes, soyons conscient de nos perceptions. Nous nous apercevrons que le mot citta ne se rapporte pas seulement au mental (comme activité) mais aussi aux contenus de la conscience.
En comprenant la conscience, nous comprenons également le contenu ou l'état de la conscience. La conscience ne peut se manifester sans qu'il y ait état ou contenu. Par conséquent nous ne pouvons pas vraiment séparer la conscience de ses états. Nous devons nous pencher sur les états qui se lèvent avec la conscience.
La conscience naît avec l'avidité, le désir, la haine, le ressentiment, la confusion, la compassion, la compréhension, l'amour et bien d'autres états encore. Si nous observons notre mental sous cet angle, nous le comprendrons mieux. Chaque fois que nous sommes conscient d'un objet et que nous voyons le contenu de notre conscience, nous comprenons mieux le mental.
Grâce à l'observation du mental, notamment dans la méditation, nous arrivons à voir ce qu'est l'état de conscience. Il y a la clarté, l'éveil, la réflexion, l'investigation, l'observation en détail d'un processus avec un esprit clair, la vision des états qui se succèdent dans la conscience ; il y a la joie, la stabilité intérieure, l'extase. Il est important de connaître clairement l'état qui surgit avec chaque fait de conscience. Si le mental est distrait ou agité, nous le voyons tel qu'il est. Si le mental se transforme, nous le voyons tel qu'il est à cet instant-là. Il ne faut nous identifier à aucun état particulier, mais les voir tous tels qu'ils sont. Nous faisons l'expérience des états de conscience mais sans nous y identifier.
La méditation Vipassana est la voie du déconditionnement, nous y apprenons à connaître nos conditions et à vivre notre conditionnement. Ce conditionnement comprend des éléments de culture et d'éducation. Cette dernière forme de conditionnement est notre karma. Nous l'appelons également samkhâra, le conditionnement avec lequel nous naissons et dont nous devons le transformer. Nous devons déposer notre fardeau, défaire nos liens. La méditation est un moyen de mettre fin au karma. Il nous faut voir notre karma et le vivre. Tout karma produit un résultat, c'est inévitable. Nous pouvons aller jusqu'au bout du monde mais le karma nous suivra toujours. Si nous ne récoltons pas les fruits du karma dans la vie courante, ils peuvent se présenter à nous dans notre méditation afin que nous en fassions l'expérience. D'où l'importance de faire l'expérience de tout ce qui surgit, d'instant en instant. Soyons dans l'instant opportun. En fait, être dans les instants à mesure qu'ils arrivent, voilà ce qui est juste.
Le travail de purification exige de nous que nous fassions confiance à la vigilance. Nous sommes intensément présents à ce qui surgit dans l'instant sans avoir l'idée de faire quelque chose en particulier ou de devenir quelqu'un en particulier. C'est en observant ce qui se passe, en nous acceptant tels que nous sommes et en reconnaissant les faits auxquels nous nous trouvons confronté, que nos résistances diminuent et que la porte de la communication sincère et la compréhension bienveillante peut s'ouvrir.
3.2. Les v½ux : Méthode d'auto-encouragement qui permet au pratiquant de se servir, comme d'un aiguillon, de la gravité des v½ux qu'il prend, pour faire le travail de conscientisation et de transformation de son comportement ( Les 2 v½ux pour les enfants, les 5 entraînements à la pleine conscience, les 14 entraînements de l'ordre de l'interêtre, les v½ux de boddhisattva).
3.3 Le contrôle : « Quiconque retient la colère montante, comme on arrête un char lancé, mérite le nom de conducteur. Les autres ne font que tenir les rênes. » Méthode qui consiste à observer l'énergie de colère en soi comme si elle appartenait à quelqu'un d'autre. Nous sommes un simple observateur qui porte un regard neutre sur la situation.
3.4. La pratique des contraires : « Oppose à la colère la sérénité, au mal le bien. » « En vérité la haine ne se détruit pas par la haine. La haine se détruit par l'amour, c'est la loi éternelle. »
Repousse la colère, rejette l'orgueil, brise toutes les entraves. Celui qui se dégage des éléments constitutifs de la vie, qui ne s'attache absolument à rien, reste éloigné de la souffrance » (Dhammapada) »
3.5. Observer constamment la loi du changement selon une introspection répertoriée en quatre rubriques. Que ce soit sensations ou émotions, idées, pensées ou conceptions, la méthode consiste d'abord à être conscient de leur nature passagère et d'être attentif à chaque mouvement de l'esprit : voir, connaître et savoir comment sans fin se succèdent nos états de conscience afin de parvenir à une ferme conviction de leur impermanence.
a) Observation du corps « Un moine marchant, étant debout, s'asseyant, s'endormant, s'éveillant, parlant, se taisant, il en est parfaitement conscient » « Mangeant, buvant, mastiquant, goûtant, déféquant, urinant, il en est parfaitement conscient. »
b) Observation des sensations : « Le moine demeure observant l'apparition et la disparition des sensations »
c) Observation des mouvements de l'esprit. Un moine ayant un esprit passionné sait : « ceci est un esprit passionné » ; ayant un esprit libre de passion, il sait : « ceci est un esprit libre de passion. »
d) Observation des cinq empêchements principaux (émotions) : « Et comment, ô moines, un moine demeure-t-il observant les 5 empêchements ? ...Quand la méchanceté est en lui, il sait : « En moi est la méchanceté... Il sait comment la méchanceté non apparue apparaît. Il sait comment la méchanceté apparue est déracinée. Il sait comment la méchanceté déracinée ne surgira plus.» Il en est de même pour l'inertie, la torpeur, l'agitation et le remord.
Le Bouddha exhorte inlassablement ses disciples à prendre conscience de chacune des souillures. Et leur pousse à ce que l'entraînement de l'attention de chaque instant devienne leur nature première.
Avec la force du c½ur, nous pouvons faire face à nos émotions sans avoir peur de ce que nous ressentons, sans identification ni lutte. Quand nous acceptons nos émotions comme des forces impermanentes et impersonnelles, nous sommes libres de les honorer sans être effrayés, emportés ou détruites par elles.
3.6 La contemplation (dhyâna) Nous purifions les 5 obstacles et recouvrons notre santé mentale. Avec la contemplation viendra une forme de connaissance fondamentale qui nous guérit de l'ignorance. « A l'ignorance se rattachent les plus nocives des méprises : prendre pour permanent ce qui est impermanent, pour bonheur ce qui est douloureux et pour soi ce qui est dépourvu de soi . » (Suttanipâta)
(A lire le chapitre 4 de « La Vision profonde ». Thich Nhat Hanh)
3.7 L'épuration des samskhâra (constructions mentales, formations mentales) : Juste avant sa mort, voici les paroles du Bouddha « O moines, faites attention, je vous en conjure : les samskhâra sont des choses périssables. Veillez à vous accomplir. » (Dîghanikâya)
Quelles choses périssables et qui méritent tant d'attention ? Ces tendances latentes, issues d'impressions passées, oubliées et inconscientes, mais qui, ayant conservé leur énergie, demeurent actives, tourmentées, troublant la conscience et suscitant les constructions mentales. Non définitives par nature, conditionnées par l'ignorance, ces énergies latentes conditionnent à leur tour la conscience.
Le Bouddha a énuméré dans un enseignement, à partir de l'ignorance, et maillon par maillon, la succession des enchaînements et leurs connexions : « conditionnée par les samskhâra est la conscience, conditionnés par la conscience sont les perceptions des phénomènes... » Ainsi de suite pour les six domaines sensoriels, puis pour le contact, la sensation, le désir, l'attachement, le devenir, chacun des maillons conditionnant le suivant jusqu'à la naissance, la vieillesse et la mort, « avec le chagrin, les lamentations, la douleur, la peine, le désespoir. Telle est l'origine de toute cette masse de souffrance. » (Vinayapitâka)
Prenons un exemple concret pour illustrer cela : Rappelez-vous d'un autre modèle du moi utilisé dans la psychologie bouddhiste appelé les 5 skandas .
Un individu se focalise sur un objet (rupa=forme), disons une tablette de chocolat. Immédiatement, une sensation visuelle (vedana=sensation) se produit, une attirance par exemple. L'esprit cherche maintenant à comprendre ce qui se passe en classifiant l'expérience (samjana=perception) – « Du chocolat ! » Cela engendre rapidement toute une gamme de constructions mentales (samskâra), telle la joie, l'enthousiasme, le désir, la culpabilité, les reproches qu'on se fait à soi-même, les idées de gourmandise, de prise de poids, de perte de poids, de régime non respecté, de récompense, etc. Dès lors que l'esprit est rempli de toutes ces constructions mentales, il s'obscurcit. La conscience primordiale (jnana) est obscurcie. Cette condition d'obscurcissement est appelée vijnana (la conscience duelle).
Voici alors, situé entre l'ignorance et la conscience, ce deuxième maillon, celui des tendances latentes qui, nourries justement de cette ignorance et de ce désir, s'amalgament et forment des centres dynamiques provocants troubles, émotions et perturbations. Implacable processus responsable de nos tensions et agitations, ces tendances latentes, associées à l'ignorance et à la convoitise, conditionnent pensées et émotions et déforment nos perceptions de nous-mêmes, celles des autres et de l'univers.
« Est d'une très pure sapience le sage qui, exempt de désir, a mis fin aux samskhâra, lui qui a surmonté le temps dans le passé et dans l 'avenir. » (Suttanipâta)
3.8. Purification des vâsanâ. (imprégnations)
Nous abordons ici la conscience de tréfonds (alaya) selon l'optique de l'école Vijnâvada : Cette conscience est la plus subtile, la plus profonde et elle englobe toutes les expériences. Elle a un double rôle.
a) Rôle passif ou réceptif et considérée comme « effet » : Entrepôt de toutes les graines karmiques, un réservoir d'imprégnations subconscientes, une conscience dynamique par les Vijnâvâdin. Cette conscience de tréfonds a pour rôle d'accueillir et conserver aussi bien les graines « naturelles, primitives, existantes depuis toujours » que les impressions et les germes déposés par « le langage et les actes fondés sur la croyance erronée au moi. C'est de leur parfum que cette conscience s'imprègne, d'où le nom d'imprégnations (vâsanâ) donné à ces dépôts. »
b) Rôle actif ou causal : Elle prend son aspect actif de « cause » au moment où, poussés par l'énergie dont ils sont investis, les germes purs et impurs arrivent à maturité et produisent leurs fruits, les dharmas (expériences) D'abord imprégnations, ces germes devenus actifs provoquent d'autres expériences qui, à leur tour, déposeront leurs imprégnations. Tel est leur circuit sans fin.
Mais ne nous trompons pas, cette huitième conscience n'est pas séparée de la conscience vijnâna qui tout en restant pure, inaffectée, inaltérée l'englobe cependant ainsi que les sept autres consciences : les cinq consciences sensorielles, la conscience mentale (manovijnâna) qui perçoit les objets, discerne, juge, et la conscience manas qui en liaison avec la conscience mentale et l'alaya, se prend pour le moi. C'est ainsi qu'entraînés par leurs constants désirs et leurs passions, aveuglés par leur soif d'appropriation, menées par les consciences précitées, les être humains se détournent de cette pure conscience et ne peuvent plus le percevoir (voir schéma un modèle de l'esprit ci-joint)
Conclusion :
Nous pourrions examiner sous un autre angle ces techniques de purification et de libération en déchiffrant leurs caractéristiques essentielles : ne rien s'approprier, ni s'agripper à quoi que ce soit, ne dépendre ni d'objets, ni de personnes, se libérer du système d'attraction-répulsion, source de tension et d'angoisse, dissoudre toute agitation, en se souvenant que l'ignorance règne à l'origine de tous nos maux.
Ainsi nous rompons la chaîne de karma. Nous laissons la quiétude et la spontanéité surgir et nous abandonnons nos tensions et conditionnements. Nous sommes alors délivrés de nos désirs et de nos confusions, libre des tendances latentes.
Soyons notre propre refuge, notre propre île intérieure.
Bibliographie :
- La vision profonde. Thich Nhat Hanh. Ed : Albin Michel Spiritualités vivantes. 1995
- L'attention, source de plénitude. Dhiravamsa. Ed : Dangles. 1983
- Bouddhisme et psychothérapie. David Brazier. Ed : JC Lattès. 2000
- Après l'extase, la lessive. Jack Kornfield. Ed : La Table ronde. 2001
- The experience of Insight. Joseph Goldstein. Ed : Shambala Publications, Inc.1976 Traduit en vietnamien par Nguyên Duy Nhiên 1992
- Les quatre nivaux de conscience. Thich Nhat Hanh. Traduit du vietnamien et de l'anglais par Nguyen Van Thong. 2007
- Vivre éveillé. Sujata
Quelques mots de vocabulaire :
Skandas : agglomération de conscience
Karma : énergie qui nous pousse à faire
Vijnana : conscience duelle
Alaya : huitième conscience, conscience réservoir, nos mémoires
Quelques principes de la pratique Vipassana.
« La méditation Vipassana nous entraîne à être éveillé à tout ce que notre esprit touche. Notre esprit est comme un miroir parfait, il reflète la chose qui est devant lui. »
« Soyons prudent quand nous déposons quelque chose devant le miroir de notre esprit, parce que nous devenons cette chose. »
1. Les trois facteurs de développement de Vipassana.
Les pratiques de méditation ont d'abord pour objectif de développer une vision claire et profonde. Pour cela il vous sera demandé de pratiquer la vigilance sans relâche et de comprendre ce qui se passe d'instant en instant.
Mais il faudrait d'abord parler des trois facteurs essentiels au développement de cette vision claire et profonde.
1.1. La persévérance : persévérer veut dire appliquer les principes de la méditation à tout ce qui se lève dans la conscience. Lors des sessions d'assise en silence nous avons parfois la sensation de brûler physiquement et psychologiquement. Nous avons parfois la sensation que nous sommes mal assis, que nous avons mal à notre dos ou à nos articulations ou encore nous avons des sensations de brûlure à l'estomac. Ces phénomènes sont très courant dans la pratique Vipassana. Les démangeaisons sont une autre sensation tout aussi courante. Ou bien nous avons la sensation qu'il y a des fourmis qui nous courent le long de notre dos ou sur notre crâne. Ces sensations indiquent que les tensions se relâchent dans le corps, dans le c½ur ou dans le mental.
Cette pratique doit être constante et dépourvue de but. Nous restons tranquillement assis et nous sommes vigilants et nous observons ce qui se passe. Nous laissons les choses arriver selon leur gré et nous maintenons notre pratique de façon continuelle et ininterrompue du matin jusqu'au soir. La persévérance est indispensable si nous voulons que la méditation porte ses fruits. Si nous pratiquons sans relâche elle devient un élément naturel de notre vie. Nous vivrons constamment dans un esprit de méditation.
1.2. Le second facteur est la pleine conscience ou vigilance en soi : « Soyez vigilant sans relâche et voyez le monde comme étant vacuité » était le conseil du Bouddha. Cela signifie que nous devons être constamment en éveil et attentif à tout. Tout ce qui se rapporte à la vie : les être humains, les choses, l'environnement, les sensations, les émotions, les pensées, la conscience. L'attention (la pleine conscience) est le facteur principal de développement de la vision claire et profonde et de la libération. Cette libération atteinte au moyen de la vision claire et profonde est appelée liberté acquise par la sagesse intuitive. Il y a deux manières d'atteindre la libération : la première est de pratiquer la quiétude après avoir atteint le contrôle mental. La deuxième est de pratiquer la pleine conscience, l'observation du mental.
1.3. Le troisième facteur est la claire connaissance, la pleine connaissance, la compréhension. La clarté vient avec la vigilance. Il n'y a pas besoin de clarifier notre mental. Contentons-nous d'être vigilant et être présent à tout ce qui se passe. Lorsqu'il n'y a pas de clarté, le doute surgit. Dans ce cas nous devons travailler autour du doute et lui donner notre pleine attention. L'attention devient une énergie puissante en se concentrant et elle a le pouvoir de dissiper le doute.
La vigilance structure notre vie, elle crée en nous une discipline de l'attention et elle engend la connaissance. Le doute et les incertitudes se dissiperont. C'est quoi le doute ? C'est quand nous n'avons pas la compréhension et la vision immédiate et pleine de la réalité. C'est le contraire de la certitude. Avec la claire connaissance, nous n'avons plus besoin de chercher une confirmation venant de l'extérieur puisque notre mental est clair et le doute ne nous atteint plus. Nous sommes l'unique et l'ultime autorité. Le besoin de confirmation n'est plus nécessaire.
2. Les pratiques de pleine conscience.
2.1. La pleine conscience du corps est un des premières pratiques de pleine conscience proposées par le Bouddha. Nous portons notre attention à ses activités et à ses fonctions. Nous observons et essayons de comprendre la nature de l'émergence des choses et leurs disparitions. Nous pouvons reconnaître ce shéma dans tout ce qui se passe autour de nous. Nous comprenons le processus de la naissance, de la croissance, de la maturité et du déclin. L'émergence des choses et leur disparition vont nous emmener à réfléchir sur une autre notion importante dans le Bouddhisme : l'impermanence.
2.1.1. Tant que nous sommes vivant la respiration est disponible, c'est une des raisons pourquoi elle a été choisie comme support pour la pratique de la méditation. Le premier exercice porte donc la pleine conscience de la respiration. Il est fondamental d'observer le mouvement d'entrée et de sortie de l'air. Pourquoi respirons-nous ? Pourquoi ce processus se poursuit jusqu'à l'instant de la mort ? Nous découvrons que nous sommes attaché à la vie, et que l'attachement fait partie intégrante de la vie. L'attachement à la continuité, à l'existence et à sa perpétuation. Sans attachement, la vie ne pourrait pas se maintenir. Il y a une énergie qui se déploie en dessous des apparences et qui maintient la vitalité de la vie. Sous-jacente à la vie, il y a la respiration et sa continuité. Pour que la respiration soit possible, de nombreuses choses doivent aussi exister : les sensations, les mouvements du corps, le travail des muscles de la cage thoracique, l'espace.
2.1.2. Le deuxième exercice de pleine conscience corporelle porte sur les postures. En marche, en position assise, debout, et couchée sont les quatre positions principales du corps. Notre pratique consiste à être conscient, instant après instant, dans quelle position se trouve le corps. Nous acquérons ainsi la pleine conscience de toutes nos attitudes corporelles. Nous voyons si le corps est en équilibre ou pas, nous voyons son inscription dans le milieu environnant, nous sommes conscients de son contact avec le sol.
En étant relié profondément à notre corps, nous découvrons que notre corps est toujours en contact avec quelque chose. Et que les sensations dans le corps proviennent de ces contacts. Contacts avec le soleil, le vent, l'espace, l'air, la chaleur, le froid ... Nous acquérons une compréhension des besoins du corps du fait que nous sommes présents à chacun de ses aspects. Nous savons quelle position est confortable pour notre corps et quelle autre engend de la douleur. Apprenons à l'écouter ce corps et observons tout cela.
2.1.3. Le troisième exercice porte sur les activités du corps (gestes, mouvements, mimiques, sourires, grimaces, éternuements, etc...) Quand nous prenons une douche, essayons de comprendre pourquoi nous aimons l'écoulement du jet d'eau sur notre corps. Soyons attentif à ce qui se passe dans le mental par rapport au corps. En ayant une activité ou une autre, observons le déroulement, la raison qui nous pousse à entamer cette activité. Observons le désir en jeu et même au-delà du désir.
Soyons présent à chacune de nos activités, quand nous mangeons, buvons, conduisons notre voiture, nous lavons, nous couchons. A l'heure du repas, observons-nous regardant la nourriture, la portant à notre bouche, la mâchant, goûtant sa texture, savourant son bon goût puis l'avalant dans notre estomac. C'est ce qui nous permet d'acquérir une connaissance claire de tout ce que nous faisons.
En nous entraînant de la sorte nous devenons de plus en plus conscient de ce que nous faisons. Et comme les activités corporelles sont très nombreuses, nous avons l'opportunité de nous exercer constamment durant la journée.
2.1.4. Le quatrième exercice porte sur la mort et la décomposition du corps. Cet exercice nous familiarise avec la mort et comme la mort fait partie de la vie, cet exercice va nous permettre de mieux comprendre un des moments clés de notre histoire et mieux l'affronter à l'instant où elle viendra à nous ou à un de nos proches. Nous remarquerons que le processus de mort est sans cesse présent dans le corps, des cellules meurent sans cesse et sont remplacées, nos cheveux tombent et d'autres repoussent. La mort permet à la vie de se manifester.
2.1.5. Le cinquième et dernier exercice porte sur l'observation des différentes parties du corps. Nous devons les passer en revue, de la tête à la pointe des pieds (scannage du corps). Commençons par les cheveux, les yeux, les oreilles, la bouche, le menton. Puis le cou, les épaules, la poitrine, les bras, etc. Essayons de sentir chaque partie de notre corps. Gardons notre attention plus longtemps sur les points de tension. Cette méditation nous apprendra beaucoup de choses sur notre corps. En Asie du Sud-Est, on a l'habitude de penser que le corps est composé de quatre éléments de base : terre, eau, air, feu. En observant la présence de ces quatre éléments à l'intérieur comme à l'extérieur de notre corps, nous aurons une idée plus précise de la relation d'interdépendance entre notre corps et l'univers. Nous comprenons cet enseignement du Bouddha : l'être humain est fait de tous les éléments non-humains, c'est pourquoi pour le protéger, nous devons protéger la nature. C'est l'écologie profonde.
2.2. La pleine conscience des sentiments et sensations.
Deux termes pali sont liés à la pratique Vipassana. Le premier est sati la pure attention, la pleine conscience. Le deuxième terme est anupassana fait référence à la capacité d'observer, de regarder, de porter une pleine conscience sans faille sur ce qui se passe.
Entraînons-nous à développer ces deux facteurs pour eux-mêmes, sans but, ici et maintenant. Ce qui nous aide à avoir une vision claire et profonde. Dans la pratique Vipassana, connaître est essentiel. Lorsque nous entrons en contact avec un sentiment ou une sensation, nous devons apprendre à le connaître. La pratique de l'observation affine nos sens de la perception et nos perceptions se rapprocheront de nos sentiments. Habituellement l'être humain préfère se lancer dans l'activité mentale, le raisonnement, le jugement hâtif et s'éloigne de ses sensations et sentiments. Quand nous étions encore enfant, nos parents nous ont éduqué à ne pas exprimer nos sentiments (Nicolas ! Dis bonjour à la Madame.- Non, je n'aime pas dire bonjour !- Sois poli, dis bonjour à la Madame ! ), ce qui nous empêche d'être authentique, une fois devenu adulte. Des conflits surgiront en nous justement à cause de cette répression.
Nos difficultés d'expression proviennent souvent de notre éducation. Il est important de se reconnecter à nos sentiments et sensations ainsi qu'à nos expériences, même s'ils sont désagréables. La pratique est de les expérimenter le plus pleinement possible. Pas de remises à plus tard, pas de répressions, pas d'esquives. Tout devient net et réel.
La méditation nous apprend à être réel. Découvrons-nous comment nous perdons contact avec la réalité. Si nous nous conformons à l'idée de la réalité, cela n'arrangera rien et ne peut que nous déformer davantage. Nos sentiments ont beaucoup à nous apprendre. Ils sont le résultat d'une réaction des sens aux événements de la vie. Cette réaction se produit continuellement..
Il existe une autre qualité de sentiment appelé sentiment intuitif ou intuition, bien plus profonde et étrangère au processus réactif. Ce sentiment est fiable, il surgit des profondeurs de notre être. Si nous sommes centrés sur nous-même, notre sentiment intuitif devance le processus réactif et nous donne un renseignement fiable, une vision globale sur la personne ou l'événement en face de nous. Notre croissance et notre épanouissement dépendent de beaucoup de notre capacité à être attentif à nos sentiments au plan réactif comme au plan intuitif.
En pratiquant Vipassana, si nous ressentons de l'inconfort dans notre posture assise, nous restons en contact avec lui sans changer de position corporelle. Nous essayons de voir ce qui ne va pas et comment l'inconfort est né. Nous prenons conscience de notre corps, de sa posture, du sentiment d'inconfort. L'ayant vu tel qu'il est, nous saurons quoi faire : nous verrons les causes profondes de notre situation et pourrons agir en conséquence. Nous laissons notre action se faire suivant notre vision immédiate de la situation. Ainsi les réactions se feront de plus en plus rares ; nous agirons davantage en fonction de ce que nous voyons (de notre compréhension).
L'affliction est une activité mentale : quand elle apparaît, nous devons en fouiller toute la structure, ce qu'habituellement nous évitons de faire. En fait, nous devons nous laisser aller à l'expérience de l'affliction, voir de quoi elle est faite, si elle est en rapport avec autre chose dans notre vie. En vivant nos sentiments, nous les purifions. Nous devons les laisser arriver pleinement à notre conscience et les laisser s'exprimer – ainsi il n'y a ni répression, ni domination. Nous n'essayons pas de provoquer l'expression – nous la laissons se faire d'elle-même. Nous nous fions à notre sagesse et à celle de notre corps et de nos sentiments. Ils savent d'eux-mêmes que faire et comment s'exprimer. Maintenons-nous dans la vigilance et n'essayons pas de fuir nos sentiments. Ainsi, peu à peu, nous transcendons tous les types de sentiments, nous sommes en mesure de les accepter, les prenant à leur juste valeur, ce qui leur enlève toute force pour nous faire souffrir ou nous submerger.
Nous sommes libres dans nos relations avec nos sentiments. Mais pour en arriver là, nous devons les affronter et les expérimenter. La liberté relationnelle émane de la compréhension et de l'acceptation.. Si nous savons accepter les choses et les gens tels qu'ils sont, nous évitons la souffrance. S'il y a souffrance, c'est parce que nous sommes attachés à des idées et à des normes et que nous voulons tout faire entrer dans nos schémas préconçus. Lorsque les événements ne se dérouleront pas comme nous voulons, lorsque les choses ne vont pas comme nous souhaitons, nous souffrons. En fait, c'est nous-même qui créons nos souffrances. En observant comment surgissent nos problèmes, nos difficultés et nos souffrances, c'est toujours vers nous-même que nous devons nous tourner. Ils doivent devenir les objets de notre attention.
A mesure que nous devenons plus conscients de la manière dont nous accomplissons les choses, dont nous nous comportons, notre pouvoir d'affronter les situations augmente. Nous avons plus d'énergie, plus de choix, plus de clarté : une compréhension plus nette, une attention plus profonde. Tout progresse dans le sens des profondeurs de notre être.
Il n'est pas besoin de chercher sur quel objet méditer dans la pratique Vipassana. C'est toujours eux qui doivent venir à nous. Contentons-nous d'être assis à ne rien faire, de rester attentif et en observation. Mais ne soyons pas en état d'attente, à attendre que se présente une expérience. Les choses viennent à nous lorsque nous sommes ouvert à tout dans distinction. Maintenons-nous dans l'état d'ouverture, de vigilance et d'attention. C'est très simple. Il est inutile de vouloir retenir quoi que ce soit, quelques objets que ce soit. Lorsque la distraction met un terme à notre vigilance, qu'elle n'est plus, retrouvons-la. Elle est de nouveau là. Apprenons à saisir le présent immédiat. Cette capacité est action créatrice.
2.3. La pleine conscience au mental et à ses états.
Le troisième principe de la méditation Vipassana a pour nom cittanupassana (vigilance par rapport à l'esprit et aux états mentaux y compris les émotions) Dans le Bouddhadharma le mot citta recouvre un vaste champ de signification. Il signifie, entre autres, conscience. Parfois il est traduit par mental et conscience. Son sens littéral est pensée, imaginaire, accumulation et création de choses merveilleuses. Citta s'exprime dans toutes les merveilleuses créations de l'esprit. L'on peut avoir l'esprit scientifique, juridique, religieux, artistique ou sportif.
Vipassana a donc pour objectif de comprendre le fonctionnement du mental, de l'esprit. Voir le mental, ses états et ses conditions. Nous devons toutes les comprendre. La question n'est pas de contrôler le mental mais de l'observer. L'observation du mental est un aspect essentiel de la méditation Vipassana.
Si nous donnons au mot citta le sens de mental et de conscience, nous pourrons penser « activité ». Activité, au sens où il imagine, pense, se rappelle et accumule, spécule, forme des idées (voir le texte « Les 4 couches de consciences » du vénérable Thich Nhat Hanh, traduit du vietnamien et de l'anglais par Nguyen Van Thong) C'est pour cela que nous ne pouvons pas faire confiance au « soi » qui n'est qu'un état de conscience subjective. Les états de conscience (formations mentales) sont multiples et ils apparaissent les uns après les autres. L'émergence sans fin d'états de conscience est ce qui nous donne le sentiment que le soi est permanent. Nous nous identifions à ce sentiment, créant ainsi une identité immuable à laquelle nous pouvons nous agripper.
La conscience est ce qui nous permet de connaître, de percevoir les objets, les événements, les situations. Dès qu'un de nos sens entre en contact avec un objet, il y a conscience. Reconnaissons la présence des trois éléments : organe de sens, objet et conscience. La conscience est toujours là quand il y a contact entre les sens et les objets. Si nous observons la manière dont nous percevons, entendons, sentons, touchons, goûtons ou comment nous pensons, nous comprenons la fonction du mental, la présence de la conscience. Le mental ne peut fonctionner indépendamment du corps ; les processus mentaux ne peuvent se dérouler indépendamment des processus physiques. Le mental doit fonctionner de pair avec le corps. Les facultés des sens appartiennent au corps alors que la conscience appartient au mental.
Lorsque nous observons des arbres, des bâtiments, des personnes, soyons conscient de nos perceptions. Nous nous apercevrons que le mot citta ne se rapporte pas seulement au mental (comme activité) mais aussi aux contenus de la conscience.
En comprenant la conscience, nous comprenons également le contenu ou l'état de la conscience. La conscience ne peut se manifester sans qu'il y ait état ou contenu. Par conséquent nous ne pouvons pas vraiment séparer la conscience de ses états. Nous devons nous pencher sur les états qui se lèvent avec la conscience.
La conscience naît avec l'avidité, le désir, la haine, le ressentiment, la confusion, la compassion, la compréhension, l'amour et bien d'autres états encore. Si nous observons notre mental sous cet angle, nous le comprendrons mieux. Chaque fois que nous sommes conscient d'un objet et que nous voyons le contenu de notre conscience, nous comprenons mieux le mental.
Grâce à l'observation du mental, notamment dans la méditation, nous arrivons à voir ce qu'est l'état de conscience. Il y a la clarté, l'éveil, la réflexion, l'investigation, l'observation en détail d'un processus avec un esprit clair, la vision des états qui se succèdent dans la conscience ; il y a la joie, la stabilité intérieure, l'extase. Il est important de connaître clairement l'état qui surgit avec chaque fait de conscience. Si le mental est distrait ou agité, nous le voyons tel qu'il est. Si le mental se transforme, nous le voyons tel qu'il est à cet instant-là. Il ne faut nous identifier à aucun état particulier, mais les voir tous tels qu'ils sont. Nous faisons l'expérience des états de conscience mais sans nous y identifier.
La méditation Vipassana est la voie du déconditionnement, nous y apprenons à connaître nos conditions et à vivre notre conditionnement. Ce conditionnement comprend des éléments de culture et d'éducation. Cette dernière forme de conditionnement est notre karma. Nous l'appelons également samkhâra, le conditionnement avec lequel nous naissons et dont nous devons le transformer. Nous devons déposer notre fardeau, défaire nos liens. La méditation est un moyen de mettre fin au karma. Il nous faut voir notre karma et le vivre. Tout karma produit un résultat, c'est inévitable. Nous pouvons aller jusqu'au bout du monde mais le karma nous suivra toujours. Si nous ne récoltons pas les fruits du karma dans la vie courante, ils peuvent se présenter à nous dans notre méditation afin que nous en fassions l'expérience. D'où l'importance de faire l'expérience de tout ce qui surgit, d'instant en instant. Soyons dans l'instant opportun. En fait, être dans les instants à mesure qu'ils arrivent, voilà ce qui est juste.
Photo: Ecorces. Collection de l'auteur
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